« Oui, mais je suis juste ici pour voir l’état de la ferme et trouver un acheteur. Je n’ai pas l’intention de la garder, » répondit Rebecca, essayant de paraître ferme.
Le sourire de Derek disparut, remplacé par un regard dur. « Vendre la ferme ? C’est vraiment ce que tu veux ? Ou c’est juste ce que tu penses devoir faire ? »
Rebecca soupira, agacée par son ton de défi. « Écoute, Derek, j’ai une vie ailleurs, une entreprise à gérer. Je ne peux pas tout lâcher pour cette ferme. »
Derek croisa les bras, un sourire ironique aux lèvres. « Peut-être que tu devrais te demander ce que la ferme signifie pour toi, pour ta famille. Ce n’est pas qu’un simple terrain ou des bâtiments. Ton grand-père a passé sa vie à la bâtir, à y investir tout ce qu’il avait. »
Rebecca secoua la tête, un mélange d’agacement et de confusion. Elle n’avait pas prévu qu’un simple ouvrier se mette en travers de son chemin. Mais en observant le regard de Derek, elle comprit qu’il n’allait pas abandonner si facilement.
« Et pourquoi est-ce que ça t’importe autant ? » demanda-t-elle, sur la défensive.
Derek la fixa, un éclat d’émotion traversant son regard. « Parce que cette ferme, c’est aussi chez moi. J’y ai grandi, tout comme toi. Et contrairement à toi, j’ai fait la promesse de veiller sur ce que ton grand-père a bâti. »
Les mots de Derek firent écho en elle, et malgré elle, un sentiment de culpabilité s’insinua. Les souvenirs de ses étés passés ici, de la terre sous ses pieds, des rires, de l’odeur du foin, refirent surface. Elle était déchirée entre son désir de tourner la page et le poids de cette responsabilité.
« Alors, que proposes-tu ? » finit-elle par demander, à contrecœur.
Derek sourit, un sourire victorieux et rassurant. « Donne-moi une semaine. Une seule semaine pour te montrer pourquoi cette ferme est précieuse. Si à la fin tu veux toujours vendre, je n’essaierai plus de te convaincre. »
Rebecca hésita, puis hocha la tête. Une semaine. Juste une semaine.
Durant les jours qui suivirent, Derek lui montra chaque recoin de la ferme, chaque champ, chaque bâtiment et chaque bête. Ils partagèrent des souvenirs, des rires, et Rebecca se retrouva à redécouvrir un monde qu’elle pensait avoir oublié. Lentement, elle réalisa que la ferme était bien plus qu’un simple héritage. C’était une part d’elle-même, un lien avec son passé et avec l’homme qu’elle avait tant aimé.
À la fin de la semaine, alors qu’ils se tenaient face au coucher de soleil sur les champs, Derek posa une main sur son épaule. « Alors, qu’est-ce que tu décides ? »
Rebecca prit une profonde inspiration. « Je crois que j’ai déjà ma réponse. Je ne vends pas. Cette ferme, c’est chez moi. »
Le sourire de Rebecca s’effaça. « Oui, mais je n’ai pas l’intention de la garder. Je suis ici pour la vendre. »
« La vendre ? À n’importe qui ? » demanda Derek, l’inquiétude perçant dans sa voix.
« À celui qui en voudra, » répondit-elle en haussant les épaules.
« Même si l’acheteur veut tout démolir ? »
Rebecca déglutit, hésitante. « Eh bien… oui. »
Derek s’approcha, sa voix résonnant d’émotion. « Comment peux-tu faire ça ? Ton grand-père a passé sa vie ici. Cette ferme représentait tout pour lui. »
Rebecca ressentit un pincement de culpabilité, mais elle tenta de se montrer déterminée. « Il n’est plus là, Derek. J’ai ma propre vie. Être fermière n’a jamais fait partie de mes projets. »
Derek planta ses yeux dans les siens, cherchant une étincelle de compréhension. « Et les animaux ? Les employés qui dépendent de cette ferme ? Tu vas juste leur tourner le dos ? »
Elle hésita, mal à l’aise. « Le nouveau propriétaire s’en occupera. »
Derek secoua la tête, déçu. « Tu n’as vraiment aucune considération pour cet endroit, pas vrai ? »
« Ce n’est pas ça… » murmura-t-elle en détournant le regard. « C’est juste que… je ne peux pas porter ça sur mes épaules. »
Alors qu’elle se retournait pour se diriger vers la maison, la voix de Derek la rattrapa. « Traître sans cœur ! »
Rebecca frissonna mais continua de marcher, refusant de céder aux doutes qui émergeaient au fond d’elle.
Le lendemain matin, elle fut réveillée en sursaut par de forts coups à la porte. Elle se leva, confuse, et ouvrit pour trouver un homme devant elle.
« Bonjour, Rebecca, » dit-il poliment en hochant la tête. « Je suis Travis, je m’occupe des champs. Un problème est survenu. Vous voudrez sans doute voir ça. »
Rebecca, encore à moitié endormie, répondit : « Un instant, je vais m’habiller. »
En vitesse, elle enfila des vêtements et suivit Travis. Ils traversèrent la cour jusqu’à un grand champ où les cultures avaient une allure inquiétante : les plantes semblaient flétries, malades.
« Mais… qu’est-ce qui est arrivé ? » demanda-t-elle, sous le choc.
Travis soupira, la mine sombre. « Difficile à dire. Peut-être du sabotage, quelque chose répandu pour tout abîmer. Si on ne réagit pas vite, on risque de perdre la récolte entière. »
Rebecca sentit une boule se former dans son estomac. Cette ferme, ce n’était pas juste une propriété — c’était une vie, un héritage.
Le visage de Rebecca se durcit. « Peu importe. Mon plan, c’est de vendre cette ferme. »
Travis la fixa, l’air sérieux. « Vous en tireriez bien plus si vous la vendiez en tant que ferme en activité. Pas juste comme un terrain. »
Rebecca savait qu’il avait raison, même si elle n’était pas prête à l’admettre. Après un moment d’hésitation, elle demanda : « Alors, qu’est-ce que vous attendez de moi ? »
« On a besoin d’un coup de main en plus, » répondit Travis. « Un de nos gars est malade, et on manque de bras. »
« D’accord, » acquiesça Rebecca. « Je vais trouver quelqu’un pour aider. »
Elle passa alors toute la journée au téléphone, cherchant désespérément quelqu’un de disponible pour venir travailler à la ferme. Mais chaque appel aboutit à la même réponse : personne n’était libre.
À la fin de la journée, épuisée et frustrée, Rebecca sortit prendre l’air et se retrouva près des écuries. Elle se souvenait de cet endroit comme d’un refuge de son enfance, où elle aimait passer du temps à écouter les chevaux et à caresser leur doux pelage.
Elle se rapprocha des box et caressa le museau d’un cheval, retrouvant un peu de calme et de réconfort. Elle soupira, pensant que cette ferme lui causait bien plus de tracas qu’elle n’aurait pu imaginer.
« Tiens, tiens, je ne savais pas que les princesses traînaient dans les écuries, » lança une voix derrière elle d’un ton sarcastique.
Rebecca se retourna et vit Derek qui la regardait, les bras croisés. « Pourquoi ce ton moqueur ? » demanda-t-elle, agacée.
Derek haussa les épaules, un sourire amer aux lèvres. « Comment veux-tu que je réagisse face à quelqu’un qui s’en fiche de ce lieu ? »
« Pour ton information, j’ai passé toute la journée à chercher quelqu’un pour aider Travis, » répliqua Rebecca. Elle ne comprenait pas pourquoi elle ressentait le besoin de se justifier, mais son accusation l’avait touchée.
Derek eut un rictus de mépris. « Ah, donc tu veux juste que la ferme soit en bon état pour mieux la vendre. Travis m’a tout expliqué. »
Rebecca roula des yeux, tentant d’ignorer le sentiment de culpabilité qui grandissait en elle.
Rebecca le fixa, la colère brillant dans ses yeux. « C’est injustifiable ! Tu as mis en péril le travail de tous pour me manipuler. »
Derek resta silencieux un moment, puis baissa les yeux. « Je sais que c’était égoïste. Mais cette ferme, elle représente tout pour moi, pour les autres. C’était ta décision de vendre, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés. »
Rebecca secoua la tête, décontenancée. « Tu aurais pu me parler au lieu de jouer à ce petit jeu. »
« Crois-moi, je le regrette maintenant, » murmura Derek. « Mais toi, Rebecca, tu n’es plus la même depuis que tu es revenue ici. Tu n’es plus celle qui voulait vendre sans un regard en arrière. »
Elle le regarda, troublée. C’était vrai. Peu à peu, la ferme s’était glissée dans son cœur. Elle sentit sa colère s’apaiser, laissant place à la confusion.
« Écoute, Derek, je n’ai pas encore pris de décision définitive, mais ce que tu as fait est inacceptable, » dit-elle fermement. « Si tu tiens vraiment à cette ferme, alors il va falloir trouver une solution ensemble, pas avec des mensonges. »
Il hocha la tête, le regard sincère. « Je suis prêt à faire ce qu’il faut. »
Rebecca soupira et détourna le regard, laissant les mots résonner en elle. Peut-être que la ferme méritait une seconde chance, tout comme elle et Derek.
« Je pensais que tu te fichais des gens ici, » lança Derek. « Je voulais juste que tu comprennes ce que cette ferme représente vraiment. »
Les mots de Derek l’atteignaient, mais Rebecca refusa de montrer sa vulnérabilité. « Tu as tout gâché ! Peu importe, je vais vendre cette ferme, et ce, au premier acheteur qui se présentera ! » cria-t-elle, la voix tremblante de colère, avant de tourner les talons et de le laisser là, planté.
Deux jours plus tard, deux hommes d’affaires se présentèrent à la ferme. Rebecca les accueillit avec un sourire forcé et entreprit de leur faire visiter les lieux, leur montrant les champs, les granges, et la maison. Elle s’efforça de rester professionnelle, de garder un certain détachement.
Après la visite, l’un des hommes, Ryan, déclara : « Nous sommes prêts à acheter. »
Rebecca sentit une étrange sensation de soulagement mêlée de malaise. « Super ! Quand pouvons-nous signer le contrat ? » demanda-t-elle, tentant de masquer son hésitation.
« Immédiatement, » répondit l’autre homme, Tom. « Nous avons même fait venir notre avocat pour finaliser tout cela. »
Rebecca acquiesça et les conduisit à l’intérieur. Autour de la table, l’avocat posa les documents. Elle saisit le stylo, mais sa main s’arrêta soudainement. Quelque chose clochait. « Vous comptez exploiter la ferme, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle, la voix un peu tremblante.
« Pas vraiment, » répondit Ryan. « Notre projet est d’installer une usine ici. Cela pose-t-il un problème ? »
Le cœur de Rebecca se serra. Elle fit de son mieux pour garder son sourire. « Non, aucun problème, » murmura-t-elle. Son regard glissa vers un mur où était accrochée une vieille photo d’elle, petite, en compagnie de son grand-père, nourrissant un veau avec un sourire radieux. Elle prit une grande inspiration, repoussa les papiers, et se prépara à signer.
Quelques instants plus tard, Rebecca raccompagna Ryan, Tom, et leur avocat vers la sortie. Elle aperçut Derek, assis à l’ombre d’un arbre, les observant avec une expression indéchiffrable. Tom lui serra la main. « Bonne continuation, » dit-il poliment avant de partir avec les autres.
Derek se leva et s’approcha d’elle, le visage impassible. « Félicitations, » dit-il d’un ton glacial. « La ferme n’est plus ton problème, alors. Combien tu l’as vendue ? »
Rebecca plongea son regard dans le sien. « J’ai changé d’avis. »
« Pardon ? » Derek la dévisagea, visiblement stupéfait.
« Je ne la vends plus, » répéta-t-elle d’une voix plus assurée.
Derek fronça les sourcils avant qu’un sourire ne se dessine sur ses lèvres. « Vraiment ? »
« Ne te réjouis pas trop vite, » dit-elle avec un faux air sévère. « Je suis une patronne exigeante, tu sais. D’habitude, mes employés s’enfuient. »
Derek la serra soudain dans ses bras, la prenant par surprise. Après un instant d’hésitation, elle répondit à son étreinte, sentant une douce chaleur, mêlée d’espoir, envahir son cœur.