Le grand-père Miron alluma une bougie en mémoire de sa femme, s’assit sur un tabouret et laissa échapper un long soupir…

Le grand-père Miron alluma une bougie en mémoire de sa femme, s’assit sur un tabouret et laissa échapper un profond soupir…
« Voilà, Tanya, ça fait quarante jours que tu es partie. Je me sens tellement perdu sans toi, » pensa-t-il avec amertume. « Il est temps pour moi de te rejoindre… Que fais-je encore ici ? Les enfants sont grands. Ils ont leur propre vie. Je ne suis qu’un fardeau pour eux. Rien ne me retient ici. Il ne me reste plus qu’un vieux poulet, et même celui-là n’est plus bon, pas même pour une soupe. Je vais le donner au voisin… L’été est là, il fait chaud. Ce sera plus facile de m’enterrer… »

Ses pensées furent interrompues par le son du téléphone. D’un air agacé, il décrocha. C’était sa fille.

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« Papa, demain Sergei viendra te rendre visite. Il est en vacances. Il a maintenant quatorze ans. Il t’aidera à la ferme. On va venir te voir, alors prépare-toi à l’accueillir. »

« Ma fille, » hésita le vieil homme, surpris par cette nouvelle, « je ne suis pas sûr que je puisse m’en occuper. J’ai d’autres projets… »

« Papa, » insista fermement sa fille, « il est déjà dans le train. Nous sommes occupés. On a vraiment besoin de ton aide. Veille sur lui, » continua-t-elle. « Pas de discussion. Assure-toi de l’accueillir demain. On reste en contact… »

Le grand-père Miron secoua la tête, fouilla dans ses économies et se rendit au magasin — il fallait qu’il nourrisse son petit-fils !

Le premier jour de l’arrivée de Sergei, celui-ci regarda autour de lui la petite ferme délaissée, visiblement étonné.

« Grand-père, pourquoi ta cour est-elle si envahie ? Il y a des mauvaises herbes et des déchets partout… »

« Eh bien, ta grand-mère était malade pendant longtemps, puis elle est partie. Maintenant, qui s’en soucie ? » dit le grand-père en agitant la main d’un geste indifférent. « Je vais bientôt partir. Elle est toute seule là-bas sans moi… »

« Bon, grand-père, tu peux mourir, mais quand les gens viendront t’enterrer, la cour sera tellement en désordre. Ce sera gênant ! On va nettoyer, creuser des parterres de légumes, et ensuite tu pourras partir en paix. »

« Pourquoi creuser des parterres ? » demanda le grand-père, étonné.

« Pourquoi ? On va planter des oignons et d’autres choses. Tu ne sais pas combien tout coûte au magasin ? On t’enterrera, mais faut-il vraiment prier pour toi ? Si on doit tout acheter en ville, ça va coûter trop cher. Alors on va planter, faire pousser, et ensuite tu pourras partir tranquille ! »

Le grand-père Miron réfléchit un instant et se gratta la tête. Son petit-fils avait raison. Il ne voulait pas imposer des dépenses inutiles aux enfants. Il n’y avait plus qu’à attendre un peu.

Le travail commença…

Une semaine plus tard, la cour était nettoyée et le jardin bien en place. Mais quelque chose d’inattendu arriva : Sergei tomba malade. Le grand-père Miron s’inquiéta.

« Grand-père, j’ai vraiment envie d’une soupe au poulet maison, » murmura son petit-fils. « Ça me donnera des forces. Je vais la manger et me sentir mieux. »

« Je n’ai plus de poules. Il ne me reste qu’une vieille poule. Quelle soupe vais-je faire avec elle ? » balbutia le vieil homme, un peu perdu.

« Va chez le voisin. J’ai fait un marché avec lui, » dit presque Sergei, se trahissant. « Il a promis de te donner dix poules et un coq. Il a aussi une chèvre. J’ai besoin de lait de chèvre. C’est vraiment bon pour la santé… »

Sergei se remit vite — les produits frais firent des merveilles…

… Une semaine plus tard, le grand-père commença à s’inquiéter.

« Que vais-je faire des animaux quand je serai parti ? »

« Tu les donneras au voisin, pas de souci, » répondit Sergei en riant.

Le soir même, Sergei rapporta à la maison un petit chiot tout miteux.

« Il est malade, tout sale… » dit le grand-père Miron en examinant le nouvel arrivant. « Que va-t-il devenir quand je serai parti ? »

« Ne t’inquiète pas, grand-père, » rassura rapidement Sergei. « On va le soigner, le nourrir. Ensuite, il pourra courir dans le village. Les gens bien ne le laisseront pas mourir de faim. »

Le chiot était très faible. Il avait besoin de soins constants, et ils se relayèrent, même la nuit, pour l’alimenter. Le grand-père Miron et Sergei s’occupaient du petit animal. Il devint plus fort, courut dans la cour, chassa les poules et accueillit ses maîtres avec des aboiements joyeux. La vie devint plus vivante avec ce chiot.

À la fin de l’été, la fille arriva. Elle aida à récolter les fruits du jardin. Tout ce qu’ils avaient cultivé fut transformé, stocké et conservé.

Peu avant de repartir, la fille amena une chatte enceinte.

« Pourquoi m’amènes-tu ça ? Elle va bientôt accoucher… Que vais-je faire avec les petits ? » protesta le grand-père Miron.

« Eh bien, papa, on ne peut pas la laisser. Tu te souviens combien maman aimait les chats ? Tu avais toujours deux chats. Ils attrapaient les souris dans la grange… » répondit sa fille.

« Sergei et moi partons. Il doit aller à l’école. Il viendra te voir pendant les vacances d’automne, juste au moment où les chatons grandiront. On les donnera aux voisins. »

… L’été passa très vite. Le grand-père Miron dit au revoir à sa famille, les yeux un peu humides. Il alla près de la photo de sa femme, alluma une bougie commémorative, et s’assit sur le tabouret.

« Tu sais, Tanya, » dit-il à sa femme, « ne sois pas fâchée, mais je ne peux pas encore te rejoindre. Il faut que j’attende un peu. Sergei va bientôt arriver. Et qui va nourrir les poules ? Le voisin nourrit les siennes avec toutes sortes de déchets, mais moi, je les nourris avec du blé choisi. Tu devrais voir les œufs qu’elles pondent, ils sont magnifiques. Personne n’a des œufs comme les miens… »

Le grand-père Miron regarda par la fenêtre. Le chiot devenu adulte était couché près de la porte.

« J’ai pris un chien. Je l’ai soigné, et maintenant il est devenu une grande bête. Que dois-je en faire ? Je ne peux pas juste le laisser mourir… Sans moi, il serait perdu… » continua-t-il. « Et Sergei est malade. Le lait de chèvre l’aide vraiment. Je pense acheter une chèvre chez le voisin. Quand il arrivera, il pourra se sentir mieux… »

Le grand-père Miron écouta attentivement. Depuis la pièce, il entendit le miaulement d’un chat.

« Tanya, ça commence… Je vais aller vérifier. Et si elle écrase le chaton ? Quel désastre ! Que vais-je faire avec eux ? » Le vieil homme se dirigea vers la pièce… « Quel désastre ! Oh, il y en a déjà deux… »

Le grand-père Miron s’assit en face de la chatte. Il prit les chatons dans ses mains, sourit de joie, et les plaça sous le ventre de leur mère.

« Mangez, vous devez devenir plus forts. Quand vous grandirez, vous attraperez les souris… »

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