Henry Lewis, un homme de 42 ans, possédait tout ce que le monde pouvait offrir : richesse, influence et prestige. Pourtant, cette nuit-là, malgré tout le faste qui l’entourait, une vérité lui apparut avec force : il lui manquait ce que l’argent ne peut acheter — un héritier. Désireux d’avoir un enfant, Henry refusait néanmoins la vision classique de la famille. Deux mariages avaient déjà échoué, laissant derrière eux désillusions et blessures. Pour lui, l’amour n’était qu’une illusion nuisible, tandis qu’un enfant représentait un investissement sûr, la poursuite tangible de son empire.
Pour Henry, tout était affaire de transactions. Il ne voulait aucun attachement sentimental, seulement un accord clair, formalisé. Grâce à ses moyens, il était certain de trouver quelqu’un prêt à porter son enfant sans poser de questions ni s’attacher.
Le lendemain matin, roulant dans sa voiture de sport au cœur de la ville, il cherchait déjà la candidate idéale. Arrivé à un feu près du centre, son regard se posa sur une silhouette familière : une jeune femme assise sur le trottoir, absorbée à dessiner sur un papier froissé. Ses cheveux bruns, emmêlés, encadraient un visage marqué par la fatigue, mais ses yeux bleus étincelaient d’une lumière inattendue. Ignorée par la foule, elle captiva Henry, qui détourna difficilement le regard.
Frustré contre lui-même, il accéléra au vert. Mais quelques rues plus loin, une pensée le fit freiner. Il s’arrêta, fixa le volant un instant, puis fit demi-tour. Elle était toujours là, adossée à un mur, concentrée sur son dessin.
Henry baissa la vitre et, d’un ton froid : « Toi, viens ici. » Méfiante, elle plissa les yeux face à cet homme en costume dans une voiture luxueuse.
Après un bref silence, il insista : « Ce n’est pas une question. Approche-toi. Je n’ai pas de temps à perdre. » À contrecoeur, elle se leva. De près, sa maigreur et son apparence délabrée frappaient encore plus, mais son port droit éveilla la curiosité d’Henry.
— « Comment t’appelles-tu ? » demanda-t-il sans douceur.
— « Layla Parker. Mais ça n’a pas d’importance. »
— « Pourquoi dessines-tu ici, comme si le monde pouvait attendre ? »
— « Que ferais-je d’autre ? J’ai tout perdu, » répondit-elle en haussant les épaules.
— « Ce n’est pas mon problème. Je vais être direct. J’ai une proposition. »
— « Ah oui ? Laquelle ? »
— « Que tu portes mon enfant. »
Les yeux de Layla s’écarquillèrent.
— « Tu plaisantes ? »
— « Pas du tout. Je prends en charge toutes tes dépenses, un suivi médical complet, et à la fin, une somme qui changera ta vie. »
Elle éclata d’un rire nerveux.
— « Qui ferait une telle offre à une inconnue ? »
— « Un homme qui sait ce qu’il veut, et qui ne perd pas son temps. Pas de drames, Layla. Juste un enfant. »
Elle le regarda, incrédule.
— « C’est insensé. Aucune femme sensée n’accepterait. »
— « Aucune femme dans ta situation ne refuserait, » rétorqua-t-il. « Je t’offre la stabilité, un avenir en échange de ce que tu as : la capacité de porter la vie. »
— « Et quand l’enfant naîtra ? »
— « Tu recevras une compensation importante, aucun lien légal, libre de reprendre ta vie en main. »
— « Libre ? Et si tu changes d’avis et m’attaques en justice ? »
Henry, impassible, répondit :
— « Nous signerons un contrat contraignant. Les termes sont clairs et définitifs. »
— « D’accord… mais je dois réfléchir. »
— « Tu as vingt-quatre heures. Après ça, je ne reviens pas. »
Il s’éloigna, laissant Layla désemparée, tiraillée entre la tentation d’une vie meilleure et la peur de perdre sa dignité.
Ce soir-là, accompagnée de son assistante Stéphanie, Layla se présenta au siège d’Henry. Dans son bureau, elle déclara calmement :
— « J’accepte. »
Surprise, Henry hocha la tête et lui tendit le contrat. Elle lut attentivement les clauses : prise en charge médicale, remboursement des frais, renonciation aux droits parentaux contre une somme importante.
— « C’est bien définitif ? » murmura-t-elle.
— « Absolument, » confirma-t-il. Elle signa.
Le même jour, Stéphanie conduisit Layla jusqu’à la somptueuse villa d’Henry. Devant les grilles ouvragées, les jardins impeccables, la demeure de marbre et de verre, Layla resta sans voix. À l’intérieur, lustres en cristal, escaliers majestueux, meubles dignes d’un magazine de design — un univers éloigné de tout ce qu’elle connaissait.
Stéphanie la guida vers sa chambre : un vaste espace à baldaquin, baies vitrées du sol au plafond, salle de bains luxueuse. Layla, assise au bord du lit, effleura avec incrédulité les draps en lin. La veille encore, elle dormait par terre ; désormais, elle vivait dans le luxe. Mais ce rôle d’« actrice » dans un arrangement financier la rendait mal à l’aise.
Les semaines suivantes, la routine s’installa : repas servis, contrôles médicaux réguliers, rapports quotidiens à Henry via Stéphanie. Un après-midi, Henry la rejoignit lors d’un examen. À l’écoute du battement du cœur du bébé, Layla éclata en sanglots. Henry resta de marbre, mais son regard trahit une émotion nouvelle.
De retour à la villa, le silence fut moins lourd.
— « Tu ne sembles pas surpris, » murmura Layla.
— « Non… mais ça, c’est différent. »
Peu après, un cadeau l’attendait : un nouveau carnet à dessin et des crayons haut de gamme, rappel de sa passion artistique évoquée lors de leurs premiers échanges. Touchée, elle sourit.
Lors de la prochaine échographie, le médecin annonça deux battements : jumeaux ! Tremblante, Layla posa la main sur son ventre. Henry, pour la première fois, exprima une admiration sincère.
La villa se transforma alors : Stéphanie prépara la chambre pour deux bébés. Chaque détail témoignait du changement intérieur des deux protagonistes. Henry, maître des transactions, apprenait que tout ne se contrôle pas ; Layla, portant deux vies, découvrait la confiance envers celui qu’elle jugeait froid et calculateur.