« Votre maison toute neuve sera mise en location et vous vous installerez dans un logement loué. J’ai impérativement besoin de cet argent », déclara ma belle‑mère

Ma belle‑mère avait un appétit insatiable : pas pour la nourriture, mais pour l’argent et les succès des autres. Son audace ne connaissait pas de limites, pourtant je refusais de la laisser tout détruire.

Tout a commencé le jour où j’ai épousé Vadim. Nous étions jeunes et naïfs : nous manquions d’argent, mais cela importait peu. Nos sorties consistaient en de longues balades dans les parcs, la visite d’expositions gratuites, et les bouquets de fleurs cueillies dans notre jardin… ou volées dans celui du voisin.

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Je m’entendais mal avec Elena Vladimirovna, sa rigueur excessive et son tempérament agressif rendaient nos échanges pénibles. Je m’efforçais de limiter nos discussions à dix minutes : au‑delà, je me sentais à la fois ennuyée et mal à l’aise.

« Ludochka, quand me donneras‑tu une petite‑fille ? » me rabâchait‑elle sans cesse.
« Elena Vladimirovna, c’est encore trop tôt, » répondais‑je. « Vadim et moi n’avons même pas notre propre appartement. »
« Et alors ? Est‑ce un vrai frein ? »
« Si : je ne veux pas élever un enfant en changeant de location tous les deux mois. Quand nous aurons un toit à nous, ce sera pour toujours. »
« Toujours des prétextes ! L’essentiel, c’est d’avoir un toit sur la tête ; le reste suivra. Comme on dit, si Dieu te donne un lapin, il te donnera aussi un pré. »

Un an plus tard, Pacha est né. J’étais enceinte sans savoir comment nous allions faire, n’ayant jamais eu de logement fixe. Mais Vadim m’avait rassurée : « Tout ira bien, chérie : couches, jouets, vêtements… c’est ton domaine maintenant ! »

« Tu m’as finalement offert un petit‑fils ! » s’était-elle exclamée en me voyant. « Maintenant, tu sers à quelque chose. » Je n’ai pas caché mon exaspération.

« Tu l’allaites toi‑même ? » demanda‑t‑elle.
« Non. »
« Comment ?! Le bébé a besoin de lait maternel, pas de ces laits industriels. »
« Il n’y a pas de “lait industriel”, Elena Vladimirovna : je n’ai tout simplement pas de lait. »
« Quelle génération faible ! Avant, on faisait face et tout allait bien, mais vous, vous vous plaignez pour un rien. »

Ses conseils non sollicités m’agaçaient au plus haut point : je cuisinais mal, je ne portais pas correctement le bébé, j’étais inutile. Pour qu’elle me fiche la paix, je prétendais souvent être malade, mais même alors, ses remontrances ne cessaient pas.

Pire encore : elle prélevait régulièrement de l’argent sur Vadim. À chaque visite, elle repartait avec quelques milliers à dépenser « pour les courses », « pour internet et le téléphone », ou « pour des bottes d’hiver ». Je ne comprenais pas : elle touchait une pension modeste, certes, mais travaillait comme secrétaire et portait des bijoux coûteux.

« Vadim, tu devrais lui parler, elle te réclame de l’argent bien trop souvent, » insistais‑je.
« Katya, elle dit que son salaire est insuffisant, » tempérait‑il.
« Je comprends, mais tu es père maintenant ! Notre budget part presque en totalité chez elle ; comment pourrons‑nous jamais acheter notre appartement ainsi ? »

Il a fini par la convaincre de réduire la cadence de ses demandes. Pendant quelques mois, l’ambiance financière est redevenue normale.

Puis, j’ai appris avec tristesse la disparition de mon grand‑père, dont j’étais très proche. Ses gestes d’affection—un seau de framboises cueillies spécialement pour moi—me manqueront toujours. À ma grande surprise, il m’a légué sa maison de campagne : un cadeau inespéré.

Dès que l’acte de donation fut signé, j’ai partagé ma joie : « Pashka aura enfin sa chambre ! Plus besoin de dormir tous les trois dans la même pièce. »
« Ton grand‑père tenait vraiment à t’aider, » me dit Vadim.
« On y va ? Ce sera un chamboulement—nouveau boulot, nouvelle crèche—mais quelle chance ! »
« Bien sûr, ma chérie, c’est parfait ! »

Hélas, la nouvelle de notre acquisition parvint vite à ma belle‑mère. Je croyais qu’elle comprendrait enfin, mais…
« On louera votre nouvelle maison, et vous vivrez dans une location : j’ai besoin de l’argent, » lança‑t‑elle comme si de rien n’était.

Je suis restée sans voix : « Qu’est‑ce que ça peut te faire, Elena Vladimirovna ? »
« Ça te regarde : je suis ta belle‑mère, tu m’aides comme ton mari le fait. »
« Vraiment ? Ce patrimoine m’est destiné, pas à toi. Nous y habiterons en famille. »
« Pourquoi te compliquer ? Tu es encore jeune ; louer rapporterait bien, et je m’en occuperai. »

Ni Vadim ni moi ne voulions céder : c’était MA maison, cadeau de mon grand‑père. Maman s’est emportée, a accusé son fils d’ingratitude et nous a quittés en claquant la porte. Elle est restée éloignée, fuyant même notre petit Pasha.

Quelques semaines plus tard, nous avons emménagé dans ce havre de paix : Vadim a été muté, j’ai opté pour le télétravail, et le jardin—héritage de mon grand‑père—est devenu mon refuge. Plus de tensions, plus de demandes incessantes. Nous avons enfin commencé notre nouvelle vie, sans la cupidité pour nuire à notre bonheur.

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