Un magnat, rongé par la maladie, l’avait fait venir pour tromper l’ennui de ses jours comptés… sans imaginer un seul instant que cette femme serait celle qui lui sauverait la vie.

Dans l’un des plus hauts gratte-ciel d’une métropole futuriste, là où les façades de verre avalent le ciel et renvoient au monde une image brillante mais froide, vivait Maxime.

Aux yeux de tous, il incarnait la réussite pure. Un millionnaire, oui… mais surtout un bâtisseur. Parti de zéro, il avait, en dix ans, transformé une idée en empire technologique. Les journaux parlaient de lui comme d’un prodige. Les investisseurs le suivaient comme on suit une comète.

Advertisements

Sauf qu’une comète, ça traverse la nuit… et ça reste seule.

Derrière les couvertures de magazines et les conférences aux applaudissements mécaniques, Maxime rentrait chaque soir dans un appartement perché au dernier étage, immense, impeccable, silencieux. Un lieu si parfait qu’il en devenait inhumain. Il dominait la ville comme un roi, mais il n’avait personne à qui parler quand les lumières s’éteignaient.

Il observait les avenues lumineuses, le flux des voitures, les néons, les toits mouillés par la pluie. La métropole vibrait comme un cœur gigantesque… et lui, au-dessus, ne sentait plus rien. Il avait essayé le luxe, les soirées, les voyages, les rencontres sans lendemain. Rien ne restait. Rien ne remplissait.

À force, il avait cessé de chercher.

Jusqu’au jour où un nom le percuta presque par hasard.

**Katia.**

On parlait d’elle à demi-mot, comme d’un secret trop dangereux à prononcer clairement. Son visage circulait sur quelques photos rares : cheveux noirs comme une nuit sans lune, regard profond, sourire à la fois fragile et insolent. Elle semblait appartenir à un autre monde.

Mais ce n’était pas sa beauté qui fascinait Maxime. C’étaient les rumeurs.

On disait qu’elle était malade. Qu’il ne lui restait peut-être qu’un an si les traitements échouaient. Qu’elle avait fréquenté, autrefois, des gens qu’il valait mieux éviter. Qu’elle avait fui quelque chose — ou quelqu’un. Et surtout, qu’elle n’avait plus peur de rien, comme si la vie n’avait plus de quoi la menacer.

Maxime sentit naître en lui une idée honteuse, puis irrésistible :

*Et si je la faisais venir ? Pas pour l’amour. Pas pour le sérieux. Juste… pour sentir à nouveau. Pour briser le vide. Pour me rappeler ce que ça fait d’être vivant.*

## Chapitre 1 — Le choc du premier face-à-face

Le jour où Katia franchit la porte de son bureau, Maxime s’attendait à une femme intimidée, prête à se plier aux règles du puissant.

Il se trompait.

Elle portait une robe noire sobre, presque sévère, et tenait un livre sous le bras comme si elle sortait d’une bibliothèque, pas d’un rendez-vous étrange avec l’un des hommes les plus riches de la ville.

Sans hésiter, elle s’assit face à lui. Pas un sourire forcé, pas une pose étudiée.

Puis elle posa sa main sur la table et dit, calmement :

— Je sais ce que tu imagines. Si tu crois que je suis là pour être un jouet, tu peux oublier. Je ne me vends pas. Je peux être une présence, une amie, une alliée. Mais pas un objet.

Maxime resta muet. Personne ne lui parlait comme ça. Encore moins une inconnue venue à sa demande.

Elle le regardait sans peur. Comme si elle voyait, derrière son costume et ses chiffres, la même solitude qu’elle portait en elle.

Maxime inspira longuement, puis répondit simplement :

— D’accord.

Il n’y eut ni contrat, ni clauses, ni signatures. Juste une promesse.

Elle resterait… tant qu’il n’aurait pas compris ce qui lui manquait.

## Chapitre 2 — Apprendre à respirer

Les jours glissèrent vers les semaines.

Katia s’installa dans son univers comme un courant d’air dans une pièce fermée depuis trop longtemps. Elle ne cherchait pas à l’impressionner ; elle le réveillait.

Elle l’emmena dans des galeries cachées derrière des portes sans enseigne, lui fit découvrir des coins minuscules de la ville où l’on servait un café qui sentait l’enfance, l’entraîna dans une librairie où le plancher craquait et où le monde semblait plus lent.

Elle riait souvent. Un rire vrai, parfois nerveux, parfois lumineux. Et ce rire, contre toute logique, faisait fondre quelque chose de dur en lui.

Le soir, ils montaient sur le toit. La ville s’étendait sous leurs pieds comme une mer d’étincelles. Ils parlaient de tout : de l’enfance, des regrets, des choses qu’on n’avoue jamais.

Un soir, elle lui dit :

— Les gens passent leur vie à courir après de l’argent, comme si ça pouvait acheter des journées. Mais ce n’est pas ça qui rend vivant. Ce qui rend vivant… c’est de sentir chaque jour comme s’il avait du poids.

Ces mots s’accrochèrent à Maxime comme une phrase qu’on se répète pour ne pas sombrer.

Katia lui apprit à remarquer des détails qu’il avait oubliés : l’odeur de la pluie sur le béton, les feuilles qui tremblent en automne, le bruit d’une porte de boutique, la douceur du silence quand il est partagé.

Et plus il découvrait la vie à travers elle, plus il redoutait une chose : qu’elle s’éloigne.

Pourtant, malgré leurs moments simples, Maxime sentait qu’elle gardait une porte fermée en elle. Un passé qu’elle ne laissait jamais trop approcher.

## Chapitre 3 — Les ombres reviennent

Une nuit, ils étaient sur le toit, blottis l’un contre l’autre, le ciel piqué d’étoiles.

Katia se raidit.

Maxime le sentit tout de suite.

— Qu’est-ce qu’il y a ? murmura-t-il.

Elle répondit, sans bouger :

— On n’est pas seuls.

Maxime plissa les yeux. Dans le noir, des silhouettes se dessinaient. Six. Des pas lents. Un souffle de menace.

L’un d’eux s’avança et lança d’une voix rauque :

— Ça m’a pris du temps… mais je t’ai enfin retrouvée, Katia. On va finir ce qu’on avait commencé.

Le sang de Maxime se glaça. Son réflexe fut celui qu’il avait toujours eu : chercher une solution avec de l’argent, avec une négociation, avec le pouvoir.

Sauf que ce genre de danger ne se rachète pas.

Katia se leva.

Elle n’avait pas l’air terrifiée. Elle avait l’air… préparée.

— Reculez, dit-elle, comme si elle donnait un ordre. Ou je vous y oblige.

Ils rirent, un rire mauvais. Puis ils se jetèrent sur elle.

Et Maxime vit une autre Katia.

Pas la femme qui lisait sur le toit. Pas celle qui souriait à la librairie.

Une combattante.

Elle esquiva, frappa, déséquilibra le premier homme d’un mouvement net. Le deuxième tomba. Elle arracha une lame à un troisième, la pointa sur celui qui semblait mener le groupe.

Tout alla vite. Trop vite.

Quand les assaillants reculèrent enfin, blessés ou paniqués, ils s’enfuirent comme des rats dans la nuit.

Katia resta immobile, haletante, les mains tachées de sang — on ne savait pas si c’était le sien.

Elle murmura, la voix tremblante :

— Pardon. Je ne voulais pas que tu voies ça.

Maxime, lui, n’arrivait pas à parler. Il venait de comprendre que la femme qui l’avait sorti du vide avait aussi survécu à l’enfer.

## Chapitre 4 — La confession

Ils ne dormirent pas.

Dans l’appartement immense, l’aube mit longtemps à se lever, comme si la nuit hésitait à partir.

Katia parla. Sans détour.

Elle lui raconta les affaires sombres, les mauvaises fréquentations, les erreurs, les trahisons. Elle expliqua comment on devient quelqu’un qu’on ne reconnaît plus quand on a peur, quand on est coincé, quand on croit ne plus avoir le choix.

Elle parla de sa fuite. Des portes qu’on claque derrière soi. Des menaces qui s’incrustent dans la peau.

Puis elle parla de la maladie. Pas avec larmes. Avec lucidité.

— Ça m’a rappelé que tout peut s’arrêter. Alors j’ai décidé de vivre maintenant. Pas demain. Maintenant.

Maxime écoutait, la gorge serrée, les poings fermés.

Quand elle se tut, il demanda, doucement :

— Pourquoi tu es restée avec moi ?

Elle le regarda longtemps.

— Parce que tu étais perdu, comme moi. Parce que tu avais tout… sauf l’essentiel. Et parce que, malgré tout ce que j’ai vécu, j’avais envie d’apprendre la vie avec toi.

— Et maintenant ?

Katia détourna les yeux, et pour la première fois, sa force sembla se fissurer.

— Maintenant, j’ai peur. Pas de mourir. J’ai déjà regardé ça en face. J’ai peur de perdre ce qu’on est en train de construire.

## Chapitre 5 — La métamorphose

Après cette nuit, Maxime ne fut plus le même.

Il commença à lâcher prise sur ce qui l’avait rendu invincible aux yeux du monde et absent à lui-même. Il confia une partie de ses affaires, vendit des actifs, réduisit le bruit autour de sa vie.

Il investit ailleurs.

Dans le réel.

Il finança des associations, créa des structures d’accompagnement pour les malades graves, lança des initiatives pour ceux que la vie avait laissés au bord de la route. Pas pour l’image. Pas pour la presse.

Parce qu’il avait compris ce que Katia lui avait appris : une journée peut valoir une vie entière, si on la vit vraiment.

Katia, de son côté, accepta de se battre. Pour de vrai. Traitements, examens, fatigue, doutes.

Maxime était là dans les couloirs d’hôpital, dans les soirs où elle tremblait, dans les matins où elle n’y croyait plus. Il ne chercha pas à acheter la victoire. Il lui donna quelque chose de plus rare : une présence.

Les médecins restaient prudents. Rien n’était certain.

Mais Katia avançait.

Pour elle. Pour lui. Pour leur chance.

## Épilogue — Tout en haut

Deux ans plus tard, ils se retrouvèrent sur le même toit.

Le crépuscule tombait sur la ville, allumant les fenêtres une à une. L’air était froid, mais doux. Katia tenait la main de Maxime. Son visage avait changé : plus mince, peut-être, mais habité. Vivant.

Elle murmura :

— Tu te rappelles, le jour où je suis entrée dans ton bureau ?

Maxime sourit, un sourire simple, sans arrogance.

— Oui. Je croyais t’avoir fait venir pour combler l’ennui. Et c’est toi qui m’as rendu la vie.

Katia se hissa sur la pointe des pieds, l’embrassa.

— Le destin a de l’humour, dit-elle. Il nous bouscule, il nous brise parfois… mais il nous apprend aussi à chérir ce qui compte.

Maxime la serra contre lui.

— Je t’aime.

Elle posa son front contre le sien.

— Je sais. Et moi aussi.

Dans une ville où tout allait trop vite, où les âmes se croisent sans se voir, deux solitudes s’étaient reconnues. Pas parfaites. Pas invincibles.

Mais vraies.

Et enfin… vivantes.

Advertisements